Comme je ne sais pas par où commencer cette chronique je vais raconter
la série de petits hasards qui m’ont amené jusqu’à ce disque de META MEAT. En 2021 une poignée de
labels – dont Araki records, Day Off et Pied De Biche – se sont cotisés pour rééditer
en vinyle Non Wake Up Clocks, le seul
et unique album du groupe parisien My Own. Un disque paru en 2001 uniquement en
CD et très symptomatique d’un rock noisy et arty, post Sonic Youth si on veut –
les new-yorkais étaient encore en activité à l’époque mais ils étaient déjà
plus morts que vifs, non ? Cette réédition, j’aurais pu (j’aurais
du ?) la chroniquer puisque Non Wake
Up Clocks est l’un des meilleurs représentants du genre et que réécouter ce
disque, alors que je l’avais presque oublié, m’a permis d’en réévaluer toute l’importance
et de constater qu’il n’avait absolument rien perdu de sa superbe.
Il y a quelques années de cela, fin des années 2000 et début des années 2010, je
me suis également intéressé – pour rapidement devenir fan – à 2kilos &More,
un duo de musique électronique (etc…) dans lequel on retrouve Hughes Villette
qui n’est autre que l’ancien batteur de My Own. J’ai juste fait le lien
entre les deux projets, pourtant très différents. Ecouter de la musique n’est
pas toujours, contrairement à ce que j’ai écrit un peu plus haut, qu’une
question de simple hasard : la réédition de Non Wake Up Clocks m’a fait repenser à 2kilos &More,
décidemment, et c’est là que j’ai découvert qu’Hughes jouait depuis quelques
années et sous l’alias de Somekilos dans un autre duo, du nom de Meta Meat. A dix ans d’intervalle j’ai presque refait le même trajet.
Le second membre de Meta Meat n’est autre que Phil Von,
du groupe Von Magnet, ce qui n’est vraiment pas rien. Pour la petite histoire
Hughes et Séverine Krouch (sa partenaire au sein de 2kilos &More) ont fait
partie de Von Magnet sur la fin, on peut les entendre sur l’album Archipielagos, paru en 2012. Mais je
vais arrêter là avec les détails techniques même si on peut y trouver quelques
éléments d’explication : dans Von Magnet, Hughes/Somekilos occupait le
poste de batteur et percussionniste – ce qu’il était déjà à l’époque de My Own
– et la musique de Meta Meat est
précisément basée autour d’un travail intense et fourni sur les percussions… Le
duo quant à lui s’auto-définit comme electro et tribal.
Des percussions complètement en avant (le très ethnique et vibratoire Vagabond, l’anxiogène Trampled) et la plupart du temps
déformées, encastrées, mises en relief et enrobées d’électronique... Sur Infrasupra la dimension rythmique n’est
pas seulement une question de tribalisme mais développe un aspect shamanique,
incantatoire même, avec en supplément l’appui de voix chantées ou samplées utilisées
d’une façon assez pondérée, jamais trop en avant dans le mix, haletantes comme
sur l’introductif et inquiétant Animal,
altérées ou murmurées, provoquant un effet assez étrange voire angoissant. Parfois,
coincé dans ma bulle, je me suis surpris à me demander : Suis-je le seul à
les entendre ? D’où viennent-elles ? Que me disent-elles ? Infrasupra peut agir de façon très subliminale. Les hurlements sont rares
mais lorsqu’ils interviennent (Primitive)
ils ont un effet électrochoc.
Meta Meat n’a pas besoin non plus d’abuser d’effets de
répétition et d’empilement pour nous faire ressentir cette sensation de pression
et de tension propre aux musiques dites électroniques. Le duo se sert principalement d’effets narratifs en mettant éventuellement en avant des textures synthétiques (l’orientalisant Resurgent ou Downrising) mais, encore une fois, c’est surtout l’utilisation détournée et circonvolutionnaire des percussions qui est à
l’origine de toute la magie incantatoire, tourbillonnante et voyageuse d’Infrasupra. Pour brouiller un
peu les pistes, le groupe nous offre juste une petite pause avec le très beau et du
coup mélodique Dichotomy sur lequel
la musicienne Justine Ribière est venue poser quelques notes avec sa viole de
gambe. Mais globalement Infrasupra
est un enregistrement chargé d’intentions sauvages et brulantes, un disque
étrangement mais inéluctablement organique, un peu (beaucoup) sorcier.
Difficile donc de lui résister.
[Infrasupra est le deuxième album de Meta Meat et a été publié en septembre 2021 par Ant-Zen pour la version vinyle et Le Label Beige pour la
version CD – à noter que ce même label a en 2020 publié Exempt qui est à ce jour le dernier album de 2kilos &More et
que je ne saurais que trop conseiller également]