Lorsqu’on regarde
en détails la discographie de HORSE LORDS on
s’aperçoit qu’entre chaque parution d’album le groupe de Baltimore a édité des
cassettes à tirage limité qu’il a intitulées Mixtape. Cette appellation n’est pas à prendre au pied de la
lettre : il ne s’agit pas de diffuser des compilations avec les titres préférés du hit
parade écoutés par les quatre musiciens dès le matin dans leur cuisine mais plutôt
de présenter quelque chose de différent de leurs propres albums, des inédits, des
versions alternatives de leurs morceaux ou des collaborations diverses. Comme
sur la très étonnante – mais que j’aime beaucoup, au moins pour sa première
face – Mixtape IV
de 2017 sur laquelle les Horse
Lords non seulement utilisent l’élément voix et la narration mais
réarrangent surtout une composition de Julius Eastman, Stay On It retrouvant les obsessions du groupe pour les
polyrythmies africaines et les glissements microtonaux tout en y incluant un
groove que jusqu’ici on ne lui avait encore jamais trop connu.
Mis à part Mixtape IV édité par le
label Northern Spy – la maison de disque actuelle de Horse Lords – ces
cassettes sont des autoproductions, épuisées et introuvables depuis longtemps. Avoir
réédité la première d’entre elles, en vinyle qui plus est, semblera donc une excellente idée, au moins pour les amoureux de supports physiques. Coincé entre le premier album sans titre (2012) et
le deuxième LP Hidden Cities (2014),
Mixtape Vol.1 présente une interprétation première, brute et presque sale de la musique du groupe. Ce qui confortera dans leur idée
celles et ceux qui affirment que chaque nouvel album d’Horse Lords n’est qu’une
version à chaque fois un peu plus sophistiquée – et mieux enregistrée – du
précédent et que les américains n’ont fait qu’approfondir au cours des années et de leurs publications leurs idées autour des polyrythmies ou du système d’accords hérité de La Monte Young. A ses débuts le groupe semblait très nouveau et surtout encore novateur.
C'est un peu le
même genre de critiques que celles entendues après le dernier passage d’Horse Lords par ici à la fin du mois
d’aout 2021, un concert
qui n’a pas convaincu tout le monde, certains reprochant à Andrew Bernstein
(saxophone et percussions), Max Eilbacher (basse et électronique), Owen Gardner
(guitare) et Sam Haberman (batterie), d’avoir été beaucoup trop sages, presque
scolaires dans l’interprétation d’une musique trop froide et souvent trop éloignée de la transe escomptée. Je dois admettre que cela n’a pas été le
meilleur concert du groupe
auquel j’ai pu assister, trois au total, peut-être parce que l’effet de
surprise n’était plus vraiment là… ce qui en partie rejoint l’argumentaire
autour des enregistrements studio d’Horse Lords.
La première face de Mixtape Vol.1
est en quelque sorte une étude préparatoire au phénoménal Hidden Cities puisqu’on y retrouve une
mouture différente d’Outter East
qui deux années plus tard servira d’ouverture au deuxième album. Cette version
primitive est enregistrée plus grossièrement (le souffle de la bande saute aux
oreilles dès les premières secondes), est moins léchée et, me semble-t-il,
jouée un peu plus lentement. L’intérêt principal de Mixtape Vol.1 provient surtout de sa
deuxième face en forme de collage alternant passages instrumentaux joués à
quatre et bidouilles plus ou moins expérimentales – un procédé récurrent chez Horse Lords. Certaines parties ressemblent
à des captations en concert ou dans un local de répétition et cela sent très
fort l’enregistrement en prise directe, l'ensemble des musiciens faisant preuve d’un
dynamisme spectaculaire. C’est le cas de deux moments-clefs, quand le groupe se
lance dans de folles élucubrations teintées de psychédélisme tapageur (à partir
de 3’30) et surtout se transforme en machine à funk robotique sous acide (à
partir de 8’38, sommes-nous alors si éloigné que cela d’un In A Silent Way ?). Et rien que pour cette deuxième face il
faut impérativement écouter Mixtape Vol.1,
confirmation que Horse Lords n’a
pas toujours été ce monstre génial mais un peu froid jouant une musique de plus
en plus conceptuelle et de moins en moins organique.
[Mixtape Vol. 1 est publié en vinyle blanc ou noir par le toujours très
providentiel label italien Improved Sequence]