vendredi 9 juillet 2021

Mr Marcaille : No Snare No Headache



Nan mais Arnaud qu’est ce que tu es beau ! Lorsque j’écoute ton nouveau disque et qu’en même temps je contemple sa (magnifique) pochette, je me prends d’un élan de tendresse quasiment incontrôlable pour toi. Je regarde tes yeux clairs à l’éclat débordant de générosité et je t’imagine sur une scène de concert, uniquement vêtu d’un slip poisseux, le torse velu et transpirant, la casquette de travers, dégoulinant, rotant un trop-plein de bière, éructant tes chansons métalliques dégueulasses propulsées à la double pédale et au violoncelle criard dans un grand jaillissement de postillons purificateurs. J’ai envie de te serrer dans mes bras et je t’aime. Enfin, j’aime No Snare No Headache. Et je découvre qu’il ne s’agit que de ton second LP, le premier datant de 2013… Mais, dis-moi, qu’est ce que tu as foutu pendant tout ce temps ?
J’en vois certaines et certains qui rigolent derrière leur ordinateur ou leur téléphone. Qui pensent que Mr MARCAILLE n’est au mieux qu’un freak et un amuseur public (certes extrêmement doué). Un truc que l’on programme en début de soirée d’un concert de grind ou de thrashcore pour faire monter la sauce et chauffer les esprits pendant l’apéro ou que l’on relègue en dernier, au petit jour, une fois que tout le monde est complètement bourré et défoncé. Je ne suis pas meilleur que les autres : je n’ai pas écouté très souvent Kill ! Kill !Kill !, un peu trop certain de savoir ce que j’allais y trouver et toujours bloqué sur les concerts mémorables du monsieur – voir descriptif ci-dessus – et dont je pensais qu’ils seraient toujours suffisants pour me contenter pleinement. J’ai, par pure paresse, eu tendance à considérer que Mr Marcaille n’était qu’une grosse blague… mais en fait pas du tout. Enfin presque.





 

No Snare No Headache ne comporte qu’un seul (petit) mensonge : celui de son titre. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de caisse claire sur un enregistrement qu’on ne va pas se choper un mal de crâne à force de l’écouter en boucle. Par contre il n’y aucun risque de grosse prise de tête avec un disque qui respire autant l’intelligence du grand n’importe quoi à bordel. Et l’amour de la musique, aussi : quelque part entre le hardcore et surtout le thrash et avec quelques incursions réussies dans le doom. Le tout, donc, à l’aide de deux caisses médiums (?) actionnées par un double pédalier, d’un violoncelle au son particulièrement distordu et d’un chant vociférateur de golem chiasseux. Du metal mais du metal bien oxydé et bien sale, sans aucune trace de rutilance chromée.
Moi qui ai beaucoup écouté ce genre de trucs (le thrash de Slayer et consorts) depuis ma tendre adolescence et qui en écoute encore, je suis ébloui par No Snare No Headache, un disque qui – n’ayons pas peur des mots – confine au génie et le fait mine de rien, sous des airs de blagues cradingues et de réjouissances métallurgiques. Comment ne pas triquer à l’écoute du très explicite Fuck Off And Die ? Comment ne pas invoquer les forces du mal sur Pro Satan ? Ne pas triper sur Infine ? Ne pas avoir envie de décapsuler une 666ème bière sur Beer Time ? Ne pas la recracher aussitôt sur Mon Amour ? Ne pas brailler en yaourt sur Naatas ou headbanguer de bonheur en écoutant Wall Of Death ? Beaucoup mieux enregistré que Kill ! Kill ! Kill ! dont le côté lo-fi faisait aussi beaucoup pour le charme, No Snare No Headache surprend même par son degré de sophistication, toutes proportions gardées évidemment, et d’achèvement. Moi je vous le dit : Mr Marcaille est peut-être un fouteur de merde notoire, un rigolo du goulot et un exhibitionniste sans peur et sans reproche mais c’est aussi et surtout un esthète jubilatoire. Donc finalement je l’aime, oui.

[No Snare No Headache est publié en vinyle par Aradje, Les Disques De La Face Cachée et Urgence Disk]