Allons bon ! Est-ce
que je peux vraiment chroniquer un disque tel que celui-ci ? Je veux dire :
la disparition tragique et prématurée de Tom Relleen ne risque-t-elle pas de
fausser mon jugement ? Surement, oui. Mais cela fait aussi partie de toute
l’histoire. L’histoire d’un enregistrement que le bassiste / producteur /
multi-instrumentiste / compositeur a absolument tenu – et réussi – à terminer
alors qu’il se savait condamné à court terme parce que la maladie était
inexorablement en train de le rattraper. Avec sa coéquipière et amie Valentina
Magaletti il a réalisé une dernière fois ce prodige, aussi unique
qu’universel : faire de la musique et libérer la beauté.
Intimate Immensity n’est pas un
disque au rabais. Ce n’est pas un assemblage imparfait de bandes incomplètes.
Non, il s’agit une œuvre véritable, achevée – si tant est que l’enregistrement
d’un disque puisse être réellement terminé et que l’on puisse ainsi définitivement
figer la musique – et signifiante. TOMAGA restera. Tout comme Tom
Relleen, finalement. Son empreinte marque tout le disque, on peut même lire une
citation de lui à l’intérieur de la pochette gatefold du disque et dans
laquelle il parle de La Poétique De
L’Espace de Gaston Bachelard, un livre qu’il met en parallèle avec la
musique de Tomaga, ses compositions
en forme de petits mondes individuels et poétiques, ses microcosmes protecteurs
contre l’extérieur, ses histoire à raconter pour se faire du bien.
L’immense qualité de Tomaga est d’avoir
réussi à concilier musique expérimentale et musique à vivre. Musique cérébrale
et musique émotive. Exigeante et abordable. Bizarre et mélodique. Un peu comme
le faisait Moondog, bien que les compositions de celui-ci n’aient pas
grand-chose à voir avec celles de Valentina Magaletti et de Tom Relleen. L’idée c’est de toucher
les autres avec des idées, justement. Dire que l’émotion est un phénomène aussi
simple que compliqué. Que la générosité compte tellement. Pourtant pas de
foisonnement ici, pas de gros dispositif. Ils n’étaient que deux dans Tomaga, jouant de la batterie, des
percussions, du synthétiseur, de la basse, des machines, etc. Un véritable petit
orchestre. Parfois avec l’aide d’une invitée, comme Agathe Max et son violon
sur le morceau titre (elle avait d’ailleurs monté un autre duo avec Tom Relleen, du nom de
Papivores) ou la voix et la production additionnelle de
Cathy Lucas sur Very Never (My Mind
Extends). Et une musique faite de souffles rythmiques, de gamelans
stellaires, de mélodies tintinnabulantes, de dub aquatique, de craquements boisés,
de lumière matinale, de pas de danse feutrés.
Intimate Immensity est un album
apaisant. Même pas mélodramatique, malgré le côté emphatique qui domine largement
la toute dernière plage du disque. Longtemps je me suis demandé quoi faire avec
cette ultime composition qui ressemblerait presque un peu trop au générique de
fin d’un film doux-amer mettant en scène les relations humaines et les questionnements de l'existence.
Il n’y a qu’une seule solution : retourner le disque et le réécouter
depuis le début, en entier. Parce que la vie continue.
[Intimate Immensity est publié en
vinyle – bleu, noir ou blanc – par Hands In The Dark]