vendredi 4 juin 2021

Tomaga : Intimate Immensity

 



Allons bon ! Est-ce que je peux vraiment chroniquer un disque tel que celui-ci ? Je veux dire : la disparition tragique et prématurée de Tom Relleen ne risque-t-elle pas de fausser mon jugement ? Surement, oui. Mais cela fait aussi partie de toute l’histoire. L’histoire d’un enregistrement que le bassiste / producteur / multi-instrumentiste / compositeur a absolument tenu – et réussi – à terminer alors qu’il se savait condamné à court terme parce que la maladie était inexorablement en train de le rattraper. Avec sa coéquipière et amie Valentina Magaletti il a réalisé une dernière fois ce prodige, aussi unique qu’universel : faire de la musique et libérer la beauté.
Intimate Immensity n’est pas un disque au rabais. Ce n’est pas un assemblage imparfait de bandes incomplètes. Non, il s’agit une œuvre véritable, achevée – si tant est que l’enregistrement d’un disque puisse être réellement terminé et que l’on puisse ainsi définitivement figer la musique – et signifiante. TOMAGA restera. Tout comme Tom Relleen, finalement. Son empreinte marque tout le disque, on peut même lire une citation de lui à l’intérieur de la pochette gatefold du disque et dans laquelle il parle de La Poétique De L’Espace de Gaston Bachelard, un livre qu’il met en parallèle avec la musique de Tomaga, ses compositions en forme de petits mondes individuels et poétiques, ses microcosmes protecteurs contre l’extérieur, ses histoire à raconter pour se faire du bien.
L’immense qualité de Tomaga est d’avoir réussi à concilier musique expérimentale et musique à vivre. Musique cérébrale et musique émotive. Exigeante et abordable. Bizarre et mélodique. Un peu comme le faisait Moondog, bien que les compositions de celui-ci n’aient pas grand-chose à voir avec celles de Valentina Magaletti  et de Tom Relleen. L’idée c’est de toucher les autres avec des idées, justement. Dire que l’émotion est un phénomène aussi simple que compliqué. Que la générosité compte tellement. Pourtant pas de foisonnement ici, pas de gros dispositif. Ils n’étaient que deux dans Tomaga, jouant de la batterie, des percussions, du synthétiseur, de la basse, des machines, etc. Un véritable petit orchestre. Parfois avec l’aide d’une invitée, comme Agathe Max et son violon sur le morceau titre (elle avait d’ailleurs monté un autre duo avec Tom Relleen, du nom de Papivores) ou la voix et la production additionnelle de Cathy Lucas sur Very Never (My Mind Extends). Et une musique faite de souffles rythmiques, de gamelans stellaires, de mélodies tintinnabulantes, de dub aquatique, de craquements boisés, de lumière matinale, de pas de danse feutrés.
Intimate Immensity est un album apaisant. Même pas mélodramatique, malgré le côté emphatique qui domine largement la toute dernière plage du disque. Longtemps je me suis demandé quoi faire avec cette ultime composition qui ressemblerait presque un peu trop au générique de fin d’un film doux-amer mettant en scène les relations humaines et les questionnements de l'existence. Il n’y a qu’une seule solution : retourner le disque et le réécouter depuis le début, en entier. Parce que la vie continue.

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Intimate Immensity est publié en vinyle – bleu, noir ou blanc – par Hands In The Dark]