lundi 21 juin 2021

Throat : Smile Less


  


 

 

Je suis tombé amoureux de l’artwork de ce disque. Sûrement à cause de mon côté arty-prout-prout qui me fait aimer n’importe quelle image à partir du moment où il s’agit de noir et blanc et qu’il y a de la déformation dans l’air. Et puis j’y voyais comme un présage de bon augure – des fois il m’arrive aussi d’être optimiste – au sujet de Smile Less, troisième album des finlandais de THROAT. En 2020 le groupe avait publié Decade Of Passive Aggression 2009 - 2019, un double CD qui comme son nom l’indique est rempli jusqu’à la gueule de tous les premiers enregistrements de Throat, y compris les singles et autres participations à des compilations. A l’époque je n’y avais vu que la volonté, légitime, de faire patienter en attendant un nouvel enregistrement studio et en attendant que le monde commence à se dépêtrer de la crise sanitaire. Tout comme je n’avais vu dans Bareback, précédent album des Finlandais*, qu’un album de transition, une étape. Smile Less me laisse croire que non : Bareback marquait bien la fin d’une époque.
Je ne peux que comprendre les groupes qui ne veulent pas se répéter mais je n’arrive vraiment pas à me faire à ce nouvel album et au visage toujours plus produit et lissé que Throat donne à sa musique. Je ne dis pas que Smile Less est un mauvais album, il est même très bon dans son genre, mais il ne me plait tout simplement pas et la musique qu’il contient ne me convient pas. Trop de gros son, trop d’effets de manche, trop de théâtralité, trop de clinquant néo-gothique – un peu comme sur le dernier album d’Årabrot mais la prétention et le lyrisme religieux en moins, fort heureusement – et pas assez de crasse, de boue et de sang.

Je dois dire que Smile Less peut se révéler terriblement séduisant. Mais je trouve donc que sa sophistication tue tout son pouvoir de séduction. Ainsi les lignes de basse lourdes et appuyées, le chant très grave, caverneux et presque incantatoire ainsi que l’atmosphère pesante de Conveyer Line font espérer le meilleur pour la suite mais rapidement l’album s’enfonce dans les facilités artificielles (je ne suis vraiment pas contre quelques enluminures au synthétiseur mais quand même) et construit des architectures certes spectaculaires mais peu convaincantes. Sans compter que Throat ne nous épargne pas quelques fautes de goût : le solo de guitare indignement décoratif de Grounding, les atermoiements de Hospice (placé en fin de disque, nous laissant malheureusement sur une mauvaise note) ou les effluves industrielles de Home Is Where Your Hurt Is, débouchant au final sur pas grand chose. Beaucoup de titres de Smile Less souffrent précisément de ce même problème : indubitablement les quatre Throat savent comment démarrer une composition mais le groupe a tendance à se perdre en route – à choisir la mauvaise direction, oserais-je dire – et souvent tout se termine en impasse.

Ce n’est peut-être pas un hasard si Shots est mon titre préféré de l’album. C’est aussi le moins ambitieux, le plus direct et le plus basique de Smile Less. Je trouve Throat bien plus à son aise lorsqu’il n’embarrasse pas son rock – on ne peut vraiment plus parler de noise-rock au sujet de la musique du groupe – d’artifices et de pompes à paillettes auto-réfrigérées (Vanilla Cuts me fait presque penser au Ceremony post Rohnert Park et s’enfonçant dans une new-wave trop large pour lui). Un retour à plus de simplicité est peut-être la clef pour l’avenir. Mais je doute que Throat choisisse réellement cette option. Par contre, je reste persuadé que tout ce que le groupe fait, il le fait avec sincérité et sans arrière-pensées. Tant qu’il en sera ainsi je continuerai à écouter chacun de ses nouveaux enregistrements. Sait-on jamais ?


[Smile Less est publié en vinyle et en CD par Svart records]


* pour les curieuses et les curieux : la chronique de Bareback