Je suis tombé
amoureux de l’artwork de ce disque. Sûrement à cause de mon côté
arty-prout-prout qui me fait aimer n’importe quelle image à partir du moment où
il s’agit de noir et blanc et qu’il y a de la déformation dans l’air. Et puis
j’y voyais comme un présage de bon augure – des fois il m’arrive aussi d’être
optimiste – au sujet de Smile Less,
troisième album des finlandais de THROAT. En 2020 le groupe avait
publié Decade Of Passive Aggression 2009
- 2019, un double CD qui comme son nom l’indique est rempli jusqu’à la
gueule de tous les premiers enregistrements de Throat, y compris les singles et autres participations à des
compilations. A l’époque je n’y avais vu que la volonté, légitime, de faire
patienter en attendant un nouvel enregistrement studio et en attendant que le
monde commence à se dépêtrer de la crise sanitaire. Tout comme je n’avais vu
dans Bareback, précédent album des
Finlandais*, qu’un album de transition, une étape. Smile Less me laisse croire que non :
Bareback marquait bien la fin d’une
époque.
Je ne peux que
comprendre les groupes qui ne veulent pas se répéter mais je n’arrive vraiment
pas à me faire à ce nouvel album et au visage toujours plus produit et lissé
que Throat donne à sa musique. Je ne dis pas que Smile Less est un mauvais album, il est
même très bon dans son genre, mais il ne me plait tout simplement pas et la
musique qu’il contient ne me convient pas. Trop de gros son, trop d’effets de
manche, trop de théâtralité, trop de clinquant néo-gothique – un peu comme sur
le dernier album d’Årabrot mais la prétention et le lyrisme religieux en moins, fort heureusement – et
pas assez de crasse, de boue et de sang.
Je dois dire que Smile Less peut se
révéler terriblement séduisant. Mais je trouve donc que sa sophistication tue
tout son pouvoir de séduction. Ainsi les lignes de basse lourdes et appuyées,
le chant très grave, caverneux et presque incantatoire ainsi que l’atmosphère
pesante de Conveyer Line font espérer
le meilleur pour la suite mais rapidement l’album s’enfonce dans les facilités
artificielles (je ne suis vraiment pas contre quelques enluminures au
synthétiseur mais quand même) et construit des architectures certes
spectaculaires mais peu convaincantes. Sans compter que Throat ne nous épargne pas quelques fautes de goût : le
solo de guitare indignement décoratif de Grounding,
les atermoiements de Hospice (placé
en fin de disque, nous laissant malheureusement sur une mauvaise note) ou les
effluves industrielles de Home Is Where
Your Hurt Is, débouchant au final sur pas grand chose. Beaucoup de titres
de Smile Less souffrent précisément de
ce même problème : indubitablement les quatre Throat savent comment démarrer une composition mais le groupe a
tendance à se perdre en route – à choisir la mauvaise direction, oserais-je
dire – et souvent tout se termine en impasse.
Ce n’est peut-être pas un hasard si Shots
est mon titre préféré de l’album. C’est aussi le moins ambitieux, le plus
direct et le plus basique de Smile Less.
Je trouve Throat bien plus à son
aise lorsqu’il n’embarrasse pas son rock – on ne peut vraiment plus parler de
noise-rock au sujet de la musique du groupe – d’artifices et de pompes à
paillettes auto-réfrigérées (Vanilla Cuts
me fait presque penser au Ceremony post Rohnert
Park et s’enfonçant dans une new-wave trop large pour lui). Un retour à
plus de simplicité est peut-être la clef pour l’avenir. Mais je doute que Throat choisisse réellement cette
option. Par contre, je reste persuadé que tout ce que le groupe fait, il le
fait avec sincérité et sans arrière-pensées. Tant qu’il en sera ainsi je
continuerai à écouter chacun de ses nouveaux enregistrements. Sait-on jamais ?
[Smile Less est
publié en vinyle et en CD par Svart records]
* pour les curieuses et les curieux : la chronique
de Bareback