lundi 7 juin 2021

Carver : White Trash



Au départ CARVER est un duo Nantais formé par David Escouvois, batteur impeccable et mignon comme tout pour Mr Protector puis Franky Goes To Pointe-à-Pitre, et par Thomas Beaudelin, auparavant chanteur et saxophoniste au sein des affreux mais regrettés Café Flesh, plus récemment biniouteur de freeture avec Trombe et poète / bidouilleur / chanteur obsédé par Tom Waits et Arthur Rimbaud sous le nom de Tom Bodlin. Dans Carver il s’occupe du chant, du saxophone mais également et surtout de la guitare, des fois tout ça en même temps, les joies de l’overdub.
J’étais complètement passé à côté de Bouncing In The Yards, premier enregistrement du groupe publié uniquement en numérique vers la fin de l’année 2019… un enregistrement qu’honnêtement je trouve trop vert et souvent maladroit mais, au delà de la joie de retrouver la voix de Thomas dans un registre davantage braillé / postillonné, il me faut également admettre que ce premier essai dégage un truc intrigant et inhabituel. Bouncing In The Yards a été bouclé en seulement deux jours avec l’aide au son de Pierre-Antoine Parois (batteur de Room 204, Papier Tigre, Spelterini, oui on est toujours à Nantes) et celles et ceux qui avaient découvert le groupe à ce moment là avaient au moins pu se dire que quelque chose d’intéressant se tramait, quelque chose de prometteur pour la suite.





La suite s’appelle White Trash, quatre titres gravés sur un disque en vrai et en dur et là encore mis en boite par Pierre-Antoine. Le principal gros chambardement c’est l’arrivée en renfort du bassiste Nicolas Monge. Une arrivée importante et qui change beaucoup de choses, participant à l’épaississement et à la dynamisation du désormais trio. L’autre fait marquant est plutôt de l’ordre de la confirmation, celle du caractère assez unique de la musique de Carver. Ce que l’on pouvait tout juste pressentir sur Bouncing In The Yards éclate de façon bien plus flagrante et surtout singulière sur White Trash.
Friand de culture américaine – le nom de groupe est un hommage au romancier et nouvelliste Raymond Carver, quant au titre du disque, inutile de te faire une explication de texte – Carver n’est pas vraiment un groupe de noise-rock. Du moins pas un groupe de noise-rock très classique, dans les deux sens courants donnés au genre : les trois musiciens ne marchent ni sur les platebandes tirées au cordeau de l’école de Chicago ni sur les arpions poisseux d’Amrep (quoique… le son et la ligne de basse de Priests sont tout à fait dans cette dernière lignée, mais vite contredits par la guitare).
Il faut aller chercher un peu plus loin pour trouver quelques indices sur la nature idiomatique d’une musique très énergique et au caractère imprévisible. Je pense à ces rythmes tout bizarres, casse-gueules, ensoleillés pourrait-on dire (il y a même une composition qui s’intitule Calypso, encore l’école nantaise), à ces riffs de guitare qui ligotent sans appuyer inutilement et s’abstiennent de découper du lard et d’étaler du gras plus que nécessaire (Everyone Knew), à ce chant qui part très souvent dans l’égosillement, à ces surlignages au saxophone qui ne s’égosille pas moins (Priests) mais sait aussi se faire plus discret (The Girl Next Door). Les quatre compositions de White Trash auxquelles les ayatollahs du couplet / refrain ne comprendront rien accrochent sans faillir, intriguent et donnent du fil à retordre sans rebuter, électrisent et séduisent, tout simplement : Carver est un drôle d’animal, aussi inspiré qu’inspirant, et surtout le trio s’impose déjà comme une figure atypique dans le paysage musical actuel.



[White Trash est publié en vinyle par Araki – Simon, arrête de me vouvoyer s’il te plait –, Day Off, Kerviniou recordz et Pied De Biche]