I
See You Dead... le premier extrait d’Incidents positionné aux avant-postes des
internets dès le mois d’avril dernier n’avait trompé personne sur
les intentions de BLACK INK STAIN, jeune trio
clermontois très respectueux des tables de la Loi. Et les premières écoutes
de l'album m’ont tout de suite
convaincu que j’allais beaucoup aimer ce disque. Cela a été imparable. Avec en
prime une enseigne géante de néons électriques clignotant furieusement dans ma tête, me
rappelant comme si j’en avais encore besoin cette règle absolue du noise-rock
réactionnaire et conservateur – qualité / savoir-faire / tradition – et
que je me répète à chaque fois comme un mantra maléfique dès qu’un disque de la
trempe de celui-ci tombe entre mes oreilles. Encore du bousin explosif, encore un
truc à la fois lourd, gras et puissant, brûlant et froid, un amas de tripailles
qui s’adresse d’abord et principalement aux fanatiques et admirateurs d’Unsane,
l’incontournable modèle du genre.
Il y a des
choses qui rassureront toujours le dépressif à temps partiel que je suis, qui
atténueront toujours mes peurs et calmeront mes névroses et la musique fait
partie de ces choses là. Dans Incidents
on trouve des riffs qui torpillent, parfois très insidieusement, des lignes de
basse qui terrassent, du chant de braillard qui te crache à la gueule, des
compositions pesantes et puissantes, du gros son concocté par l’éternel David
Weber au studio des Forces Motrices à Genève, un penchant avoué pour la musique urbaine folklorique US du début des années 90 et
pour la perpétuation des traditions charcutières. Et, plus que tout le reste, il y a cette possibilité
offerte sur un plateau de s’isoler, solidement entouré par
un mur du son dévastateur qui fait le vide absolu tout autour (et là du coup on
a un peu moins peur, en tous les cas cela fonctionne très bien avec moi).
Tout bien sûr n’est pas parfait sur Incidents,
la deuxième face du disque se traine un petit peu plus en longueur et on se
surprend à penser que le riff-leitmotiv de deux notes et demi et très basique
de Frozen Stance doit forcément faire
un carnage en concert mais qu’à écouter tranquillement à la maison ce n’est pas
forcément la meilleure idée du monde. Mais rassurons-nous, sur ce premier album
il y a nettement plus de moments vraiment appréciables et fulgurants que de passages
réellement ennuyeux. Et les trois Black Ink Stain nous ménagent même quelques surprises, telle
que Sans Façon, un titre instrumental
avec une technique imparable d’hameçonnage, nous forçant à constamment rester en
attente d’une ligne de chant qui donc ne viendra pas… on suit par contre avec
délice la basse vrombissante et la guitare qui en
profite elle pour se montrer un peu plus aventureuse que sur les autres
compositions d’Incidents. Le chant
clair au début de Pont Des Goules
vient également pondérer un enregistrement qui sans cela pourrait sembler un
peu trop monolithique (rien de tel qu’un verre d’eau de vie pour dissoudre les
graisses). Parce que même si on aime avoir mal il est toujours bon de souffler
un peu. Jusqu’à la prochaine fois. Alors à bientôt j’espère, dans une cave
humide ou un hangar pourave, pour (re)découvrir ce disque incandescent en live,
dans la vraie vie.
[Incidents est publié en vinyle transparent (avec quelques jolis
traces de splashs étoilés noirs et blancs dedans) par Araki, Day Off et P.O.G.O. records – très actif et
vénérable label franco-belge, au moins 150 référence au compteur depuis le temps,
quand même]