mercredi 19 mai 2021

Adolf Hibou : Princess Barely Legal


 


 

Attention : concept ! Lequel concept est dument explicité à l’intérieur du mini livret accompagnant le CD qui sert d’écrin à ce petit chef d’œuvre de grand n’importe quoi qu’est Princess Barely Legal. Je recopie faute de mieux et, surtout, faute d’y comprendre quoi que ce soit : « Premier album d’Adolf Hibou à la croisée des mondes. Ça parle de trucs qui s’emmêlent dans la tête quand on ferme les yeux lorsqu’on a beaucoup de fièvre et aussi de chevaux ailés qui se rassemblent autour d’une vibration commune qui irradie vers un entropique et infini espace où sont délaissées les viles perfidies des hommes pour caresser, les yeux à demi-clos, le torse des olympiens ».
Pris au premier degré, voilà qui ressemble fort à un aller-simple sous trip lsd / peyotl / psilos par une bande de hippies bozardeux adeptes du poly-amour gay avec des poneys magiques. Au second et au troisième degrés, aussi. Jusqu’à ce que l’on se décide à vraiment écouter – parce qu’après tout, on a aussi le droit d’avoir un peu peur – ce premier album d’ADOLF HIBOU, fringant trio de Montpellier composé de Princesse Rapide (chant), Bébé Dragon (guitare) et Balboa Manioc (batterie). Et autant prévenir tout de suite : Princess Barely Legal n’est pas, malgré la présence d’une vraie-fausse reprise de Hugues Aufray, un disque de babloches salement illuminés mais plutôt un gros tas de machins grind-punk à tiroirs et autres multi-formes ectoplasmiques à caractère psycho-déviant.
En guise de concept il faudra donc se contenter d’un humour salement incontrôlable et subir un enregistrement qui passe son temps – et ça dure quand même 53 minutes – à avoir l’air beaucoup plus stupide qu’il n’est. Tu connais sûrement ce principe incontournable de l’existence : il faut être sacrément intelligent pour réussir à se faire passer pour un crétin aux yeux des autres et les trois Adolf Hibou mettent tellement d’énergie à brouiller les cartes, à chier de partout comme des chiens comme des chevaux (y compris dans ta mère) et à cumshooter de l’absurde et de la déglingue que l’on ne peut qu’y croire. Je vais insister, moi aussi : la durée est vraiment un élément important dans la musique du trio. Là où n’importe quel punk 2000 n’aurait roté qu’une demi-fois avant de passer au titre et à la bière suivante, Adolf Hibou s’étale, rempile et nous inflige des compositions qui n’en finissent pas, s’éternisent plus que de raison – mais ici la raison n’a pas sa place – et on n’est pas très loin d’une certaine forme de torture. Délicieuse torture, cela va de soi, même si c’est peut-être mon côté profondément maso-scato-mycose qui me fait dire cela.

Mais je crois que j’avais parlé d’intelligence un peu plus haut... Je mets de côté les vociférations de Princesse Rapide (qui pourtant, à certains moment, nous prouve qu’il sait aussi chanter pour de vrai mais cela ne semble pas beaucoup l’intéresser) et ses tentatives de racolages cheap à grands coups d’auto-tune pour me concentrer sur la guitare 24 cordes et la batterie triple pédale, un vrai couple infernal. Si le bourrage des trois Adolf Hibou fonctionne aussi bien et si on saute à pieds joints et avec bonheur dans leur grand bain épileptique et gluant c’est parce que ça joue vraiment, le groupe empruntant au grind, au hardcore, au doom, à la noise, au math-rock, au prog, même à Ludwig Van Beethoven et que sais-je encore. Dans les temps futurs, si jamais ils arrivent mais j’en doute de plus en plus, les musicologues avertis et autres excavateurs qui redécouvriront Adolf Hibou mettront surement Princess Barely Legal sur la même étagère que (PL) Riroum Av Ut, le premier album des lointains ancêtres Sun Plexus. Mais je doute aussi que l’on puisse réellement ranger ce disque quelque part.



[Princess Barely Legal devrait un jour être publié en vinyle par Head records et Jelodanti. Mais l’album est déjà disponible en cassette via Coeur Sur Toi et en CD grâce à Cracra records. J’en profite d’ailleurs pour remercier le staff de ce dernier pour avoir joint à mon envoi une quantité impressionnante de flyers vantant les mérites de ses nombreuses autres productions dotées de noms incompréhensibles et de visuels repoussants. Il y en avait tellement que je les ai distribués au hasard dans les boites-aux-lettres de mon immeuble, je n’en ai retrouvés aucun dans la poubelle et à ce jour aucun de mes voisins ne m’a encore soupçonné. Sinon l’artwork de Princess Barely Legal est signé Nils Bertho dont je ne saurais également trop conseiller le récent et désopilant Passion Chevals aux éditions Plus Zéro – bon allez, je lâche le morceau : Princesse Rapide et Nils Bertho ne sont en fait qu’une seule et même personne…]