jeudi 4 mars 2021

Crack Cloud / Live Leak

 

Intéressons-nous un peu au cas de CRACK CLOUD, collectif à géométrie plus que variable originaire de Vancouver et coqueluche des milieux autorisés qui s’autorisent. Le groupe – oui c’est plus facile de dire que s’en est un même si cela n’est donc pas totalement vrai – a publié en juillet 2020 et après une paire de singles remarqués un premier album intitulé Pain Olympics sur le label Meat Machine, une émanation de Tin Angel records.
Je ne vais pas chroniquer cet enregistrement parce que je ne l’aime pas beaucoup. J’admets que je peux prendre un certain plaisir, sadique et complètement déplacé voire complètement amoral, à dire tout le mal que je pense d’un disque. Et même des fois que j’en rajoute une couche, comme si je me masturbais tout en caressant avec délectation mon petit azerty. Cela me donne (enfin) l’impression d’exister. Mais là je ne le ferai pas.
Pour résumer rapidement la situation
Pain Olympics est un album beaucoup trop produit, beaucoup trop arrangé et trop léché qui ne laisse pas assez de place à la folie et à l’inventivité musicale de Crack Cloud. Un peu comme la pochette du disque, saturée de couleurs, de détails et qui finalement ne montre rien d’autre qu’un capharnaüm artistique à consonance digitalisée et futuriste / post apocalyptique. Il ne se passe pas grand-chose sur Pain Olympics si ce n’est un ennui grandissant – merde… j’ai quand même réussi à dire du mal de ce disque, promis je ne l’ai pas fait exprès.





Par contre Crack Cloud a publié un second LP en 2020 – toujours chez Meat Machine et à la fin du mois d’aout pour être plus précis – et celui-ci s’avère beaucoup plus intéressant. Contrairement à ce que laisserait supposer son titre, Live Leak n’est pas à proprement parler un enregistrement en concert. Mais regroupe deux sessions radio datant de 2019. La première face a été captée dans les studios de la radio KLXU à Los Angeles au mois de novembre ; la seconde en aout aux studios Maida Vale de Londres pour la BBC 6 et l’émission de ce très cher Marc Riley (journaliste depuis des lustres mais également un ancien membre de The Fall, celui des presque débuts, et viré comme tous les autres membres du groupe par l’atrabilaire et dictatorial Mark E. Smith, mais c’est une toute autre histoire).
Là encore on peut se fier à la gueule de la pochette. Celle de Live Leak est d’une sobriété qui ne gâchera pas la rugosité éclairée de deux enregistrements plein de flamme et de vigueur. De l’interprétation et rien que de l’interprétation. Et une bonne grosse dose d’électricité au service d’un post-punk bondissant et rebondi, pneumatique oserais-je même dire. Oui, il s’agit encore du post-punk… et celui de Crack Cloud, groovy et cuivré, n’est guère avare en matière de citations. Les archéologues et entomologistes réunis en séance plénière tomberaient sans aucun doute d’accord pour parler d’une mixture à mi chemin entre The Pop Group et Gang Of Four. Ce qui serait loin d’être faux et a l’avantage de laisser suffisamment de place et de latitude au groupe pour malgré tout placer un ou deux trucs qui lui sont propres. Sur Live Leak Crack Cloud est du genre festif et dansant, irisé et sautillard, épique et fougueux, chaud et soyeux, sec et humide à la fois, copulatoire et peut-être bien pansexuel. Un très chouette bordel, pour tout dire. 
On remarquera enfin que Live Leak et Pain Olympics ne possèdent qu’une petite moitié de titres en commun. Et comme les versions diffèrent largement on peut considérer que les deux enregistrements font bien plus que se compléter. Peut-être que toi tu préféreras la version plus sophistiquée et plus arrangée de la musique de Crack Cloud proposée par Pain Olympics mais pour ma part je n’en démordrais pas. Il y a des fois où je me demande même si les membres du groupe n’en ont pas pris conscience tout seuls et n’auraient pas publié Live Leak pour contrebalancer leur album studio. Je ne pourrai jamais le leur demander mais franchement j’aime bien cette idée…