C’est en me rendant
à un concert de La Pince (RIP ?) que j’ai pour la première fois entendu parler
de PYJAMARAMA. Autant te
dire que le choc a été plutôt rude : je pensais assister à une soirée
placée sous le signe maléfique d’un noise-rock crade, bruyant, débile et salace
et je me retrouvais brutalement propulsé face à un groupe de… pop. Mais c’est
aussi de ma faute, je n’avais qu’à mieux regarder l’affiche du jour.
Avec son nom peut-être bien tiré d’un
single millésimé 1974 de Roxy Music* – dinosaures du glam avec lesquels Pyjamarama partage un goût certain pour
les enluminures et un sens assuré du baroque et des paillettes – le groupe
m’avait tout d’abord interloqué avant de me séduire totalement. Il faut dire
aussi que j’étais en très bonne compagnie avec un batteur jouant auparavant
dans Alaska Pipeline, Seal Of Quality et Room 204 (en tant que second
guitariste), un guitariste échappé de Papaye et une claviériste venue de Boy
& The Echo Choir et Vagina Town. Formation à laquelle se rajoutait un
bassiste qui, je l’apprendrai un peu plus tard, jouait auparavant dans un
groupe de surf instrumental du nom d’Agamemnonz… Très loin de ma zone
de confort habituelle ce concert de Pyjamarama
réveillait en moi le fan de pop chiadée et colorée que j’ai toujours été bien
que j’ai très souvent fait tous les efforts du monde pour cacher cet aspect
méconnu de ma sombre et intolérante personnalité de noiseux.
Le premier album sans titre publié
par le groupe en 2016 m’a pourtant déçu. Je ne reconnaissais pas dans la
musique enregistrée par Pyjamarama ce qui m’avait plu en concert.
Tout à coup je la trouvais beaucoup trop compliquée et beaucoup trop savante,
presque glacée et sans cette volonté d’incarnation qui m’avait tellement
séduit. Oui il existe plein de musiques et de groupes qui fonctionnent en live
et pas du tout en concert (ou inversement) et c’est ainsi depuis fort
longtemps, bien sûr je n’apprendrai rien à personne là-dessus.
Lorsque Pyjamarama a publié son deuxième album en février 2020 j’ai un peu
attendu avant de me laisser faire. La principale différence avec le premier est
que Simple Living a été enregistré en
trio : Franck, le guitariste, a entretemps quitté le groupe. Il y a donc un peu
moins de parties de guitare sur Simple
Living, lorsqu’il y en a elles sont mixées légèrement en retrait et elles sont assurées
par Lucas, le bassiste, qui n’en fait jamais de trop, évitant de jouer l’envahissement
de notes et sachant rester accessible lors de ses solos (Yacht Game, simple et élégant ou Smart Lads Committee, plus enlevé, plus rock mais tout aussi classieux). Ce qui laisse énormément de place
aux claviers de Rachel qui elle en met littéralement de partout. Ah oui je sens
bien que maintenant tu ricanes encore plus fort que tout à l’heure mais –
deuxième révélation de cette chronique fleurie et en forme de coming-out – oui,
moi le gros fanatique de guitares qui font mal et de saxophones qui biniouttent
à la diable, il m’arrive également d’apprécier ces bons vieux synthés.
Et ceux que l’on peut entendre dans Pyjamarama sont merveilleux, magnifiques constructions au
service de compositions jamais trop alambiquées bien que parfois complexes,
entre pâtes de fruits mathématiques, sucrées et énergétiques, ritournelles
aristocratiques ou poétiques, mélodies soyeuses et inchiffonables, délicatesse,
raffinement, subtilité, sensibilité… n’en jetez plus ! Ah mais si :
la joie lumineuse et ludique qui émane la plupart du temps de Simple Living est d’autant plus communicative que jamais elle ne feint
la démonstration et l’apprêtement. Et puis encore : chez Pyjamarama tout le monde chante, bien
que Rachel et Nicolas (le batteur, sacrée performance au passage) se taillent la part du lion. Le chant est l’un
des principaux atouts d’un groupe qu’alors on pourra définitivement qualifier
de pop, un chant dont le lyrisme enjoué juste ce qu’il faut laisse à la
générosité, à la bienveillance et à l’humanité de la musique du groupe toute la
place nécessaire pour s’exprimer. Est-ce que tu le vois maintenant mon grand sourire ?
[Simple Living est publié en vinyle
bleu turquoise électrifié par A Tant Rêver Du Roi]
* et bien en fait non : Pyjamarama est le nom d’un jeu d’ordinateur datant de la préhistoire pixélisée