mercredi 4 novembre 2020

VA / What Is This That Stands Before Me ?

 

Et bien… comment le dire ? Je suis un imbécile. Un imbécile qui dès qu’il aperçoit dans les parages un disque compilant des reprises d’un groupe qu’il aime plutôt bien par quelques autres groupes que parfois il aime beaucoup se dit que le disque en question est peut-être bien fait pour lui. Il y a quelques semaines j’ai parlé de Really Bad Music For Really Bad People, une compilation mi-figue mi-raisin consacrée aux Cramps... Et voilà que débarque What Is This That Stands Before Me ?, un double vinyle publié chez les new-yorkais de Sacred Bones records, consacré à BLACK SABBATH et comprenant des reprises par des groupes issus du label. Il faut dire aussi que l’occasion était trop belle : les deux premiers albums de la bande à Ozzy Osbourne et Tommy Iommi ont été publiés en 1970, respectivement le 13 février pour le premier éponyme et le 22 septembre pour le second, le génial et l’insurpassable Paranoid (huit titres, six tubes). Ces deux disques ont donc fêté leurs cinquante printemps cette année et comme notre époque est très friande d’hommages nostalgiques et autres commémorations passéistes – c’est sûrement la fin du monde humain approchant à grands pas qui fait ça – il semblait logique qu’un label aussi arty que Sacred Bones en fasse quelque chose.
Tout d’abord il convient de préciser que What Is This That Stands Before Me ? n’est pas un double album mais un double 12’ c’est-à-dire que les deux galettes tournent en 45 tours et que la durée totale de cette compilation est de 50 minutes. Les neuf titres qui la composent auraient bien pu tenir sur un simple LP mais il est vrai qu’un double vinyle ça fait beaucoup plus classe et que surtout cela se vend beaucoup plus cher. Surtout que quelques unes des reprises proposées ici sont des plus dispensables… comme on va le voir What Is This That Stands Before Me ? aurait largement pu prendre la forme d’un unique 12’ avec seulement trois ou quatre titres. C’est dire si cette compilation est un énième trompe-l’œil à l’usage des crédules et des naïfs. 

 


 

What Is This That Stands Before Me ? démarre pourtant très bien avec The Soft Moon et une version bien darkos post punk de Black Sabbath, le célébrissime titre d’ouverture du premier album des Sab Four. Tout y est, depuis la cloche qui résonne lugubrement au début jusqu’à l’ambiance indus frigidaire bien martelée. Je ne suis pas du tout fan du groupe de Luis Vasquez mais je dois avouer que sur ce coup là The Soft Moon n’est pas loin de casser la baraque. Молчат Дома / Molchat Doma est un groupe biélorusse apparemment tout récemment signé par Sacred Bones, un groupe que l’on pourrait qualifier de synth-pop ultra kitsch et sur lequel il n’y a pas trop lieu de s’étendre : il reprend Heaven And Hell, soit un titre de la période Ronnie James Dio de Black Sabbath et cela ne me fait ni chaud ni froid. Par contre et comme on pouvait s’y attendre Thou – grand groupe devant l’éternel – déchire tout avec une superbe version de Supernaut agrémentée d’un passage bossa-nova apocalyptique. Difficile alors pour Marissa Nadler de passer après. Sa reprise de Solitude (de l’album Master Of Reality en 1971) semblait pourtant bien pouvoir lui convenir mais je m’ennuie un peu… Tout comme avec N.I.B. repris par Hilary Woods, encore plus éthéré et moins inspiré. OK : je n’ai pas de cœur. Et c’est déjà la fin du premier disque.
Le massacre continue avec Zola Jesus qui a jeté son dévolu sur Changes, le slow ultra niais qui orne de paillettes dorées le Vol. 4 de Black Sabbath (1972). Je comprends alors un peu trop tard que
What Is This That Stands Before Me ? préfère se cantonner majoritairement dans les compositions les plus molles du groupe anglais. Et ça continue avec l’ « incontournable » Planet Caravan par Moon Duo. L’original ne durait que quatre minutes, le groupe de Sanae Yamada et Ripley Johnson l’étire au delà de neuf et c’est neuf minutes de trop, bourrées de bablocheries psychédéliques qui feraient presque regretter Marissa Nadler, Hilary Woods et Zola Jesus réunies. Quant à Dean Hurley, il s’agit d’un musicien / producteur et collaborateur régulier de David Lynch. On peut se demander ce que vient faire ici sa version « Bar Band » de Warning qui en fait n’est pas une composition de Black Sabbath mais une reprise d’un titre de The Aynsley Dunbar Retaliation qu’Ozzy and C° avaient placé à la fin de leur premier album (il y a donc une erreur dans les crédits de la compil). Et inutile de dire que l’on frise le ridicule, ce Warning n’ayant strictement aucun intérêt.
Pour finir Uniform a la lourde tâche de remonter le niveau avec Symptom Of The Universe, titre-phare de l’album Sabotage (1975). Problème : cette reprise de Symptom Of The Universe n’est absolument pas inédite, figurant déjà en face B du maxi Ghosthouse, premier disque que Uniform a jamais publié chez Sacred Bones en 2016, avant même l’album Wake In Fright. La version 2020 ne me semble pas différer de celle de 2016 et ce n’est pas le mastering signé James Plotkin qui ajoutera un quelconque intérêt à quelque chose que l’on connaissait – et appréciait – déjà. Conclusion : passe ton chemin et je ne peux que t’adresser toutes mes félicitations si jamais tu viens de perdre ton temps précieux à lire cette chronique de plus de 900 mots et se terminant sur ce terrible constat d’échec. 

 

[What Is This That Stands Before Me ? est publié en double vinyle noir, vert ou violet par Sacred Bones]