mercredi 13 mai 2020

Chromb ! / Le Livre Des Merveilles






C’est en concert que j’ai découvert Le Livre Des Merveilles, quatrième album de CHROMB !. Ou plutôt j’ai pu m’en faire une vague idée, un peu désarçonné mais finalement plutôt content de ce que j’entendais (et voyais) alors. On m’avait pourtant un peu prévenu, juste avant : « tu verras les nouvelles compositions ont plus de retenue, ça pulse moins à tout va, c’est d’apparence moins foutraque, c’est plus réfléchi » (oui, je brode)(ce n’est pas exactement mot pour mot ce que l’on m’a dit mais l’esprit général c’était plutôt ça).
Le 13 février 2020 avait donc lieu la release party du Livre Des Merveilles et comme d’habitude depuis quelques années avec Chromb ! le concert affichait complet de chez complet. Comme je suis un garçon prévoyant et, c’est vrai, un peu rancunier, j’avais acheté ma place à l’avance, chose que d’ordinaire je ne fais jamais – les préventes c’est juste bon pour les concerts de hipsters dans des entrepôts industriels reconverti
s en dancefloors géants – parce que la fois précédente, au même endroit, j’étais resté à la porte, comme une andouille marinée, ne pouvant que contempler bêtement ce foutu tableau à côté de l’entrée et sur lequel était écrit à la craie : complet. COMPLET. Là (je veux dire : le 13 février) j’y étais pour de vrai, au milieu d’un public conquis d’avance et transi d’amour, un public qui connaissait par cœur les paroles des plus vieux titres et qui se trémoussait de bonheur en les chantant avec le groupe.
Complet, c’est également le sentiment exact que me donne Le Livre Des Merveilles. Peut-être parce que ce disque en fait nettement moins mais qu’il le fait beaucoup mieux que n’importe lequel de ses trois prédécesseurs en matière de foutraqueries à nez rouge. J’ai toujours du mal avec les groupes qui en rajoutent tant et plus, transforment leur musique en prétexte pour faire la foire et voudraient nous faire croire que l’absurde musical s’accompagne nécessairement d’une posture de clown. Chromb ! est pour moi une exception. Je ne saurais l’expliquer davantage. Mais disons que chez Chromb ! on possède un sens certain de l’équilibre, car : premièrement on ne cherche pas forcément à démontrer pas tous les moyens que l’on sait jouer comme des dieux ; deuxièmement on ne fait pas que les marioles pour faire oublier, justement, que l’on joue comme des dieux qui en plus se regardent constamment dans une glace.
Alors je crois que Le Livre Des Merveilles est non pas plus sérieux que les autres disques de Chromb !, disons qu’il est plus écrémé et, par voie de conséquence, encore plus équilibré, ou qu’il pousse plus loin la recherche d’équilibre. Il y a moins de sucre, moins de glucides et plus d’apport en vitamines et en sels minéraux. Tout ce à quoi nous a habitué le groupe jusqu’ici est pourtant toujours là, mais en quantités plus mesurées : de l’exubérance comme sur la dernière partie du premier titre éponyme, du cinéma et de la grandiloquence malgré tout un peu obscure sur Les Chevaliers Qui Apparaissent (le seul titre complètement instrumental de tout l’album), de la mélancolie sur La Souvenance d’Achille (pour moi la plus belle composition du disque)… et du dada poétique souvent, très souvent. Oui c’est donc bien le même groupe et la même musique, finalement. Mais je ne peux pas (et ne veux pas) affirmer non plus que les quatre musiciens ont un peu grandi voire même ont un peu mûri – c’est bien le seul truc que je me refuse à leur accorder, et puis quoi encore – mais sans doute ont-ils voulu faire les choses un peu différemment et que c’est pour cette raison que Le Livre Des Merveilles est un album tellement court, trente trois minutes. Il n’en fallait sûrement pas plus au groupe pour exprimer tout ce qu’il avait à exprimer. Pour l’instant, c’est réussi !

[Le Livre Des Merveilles est publié en vinyle et en CD par Dur Et Doux]