mercredi 22 janvier 2020

Deathcrush / Megazone





Les norvégiens de DEATHCRUSH* ont été l’une des principales attractions de l’édition 2017 du Gaffer Fest. En particulier la chanteuse / guitariste / compositrice / productrice** Linn Nystadnes qui a fait sensation, il faut dire aussi qu’elle en rajoutait des tonnes, pour le plaisir de toutes et de tous. Sur Scène Deathcrush est un groupe étonnant, débordant de paillettes, de fun (oui, j’ai bien écrit « fun ») mais également adepte d’une musique puissante, transpirante et, si ce n’est bruyante puisqu’il serait exagéré de parler ici de noise, du moins se plaisant à chatouiller son public chéri en mode saturation et déflagration XXL. Deathcrush est de ces rares groupes à la fois exubérants et ultra efficaces, complètement imprévisibles mais captivants, indéfinissables mais à la personnalité très affirmée.
Megazone est le premier long format de Deathcrush après toute une série de singles et maxis, CDr… et la première chose à en dire c’est que ce premier album est largement à la hauteur du seul concert du groupe auquel j’ai eu la chance d’assister il y a maintenant plus de deux ans : hyper varié au point d’en devenir déroutant, implacable, mélodique avant tout mais ne délaissant que rarement l’optique noisy, charmeur, inclassable et addictif. Trop produit également ? Il est vrai que mes oreilles sensibles et mon cœur d’éternel adolescent a vraiment du mal avec les enregistrements qui superposent enluminures et garnitures sur fond de clinquance et de décorum, que je pense sincèrement qu’un enregistrement qui sonne parfaitement et un enregistrement qui tombe juste ce n’est pas du tout la même chose, qu’en la matière le mieux est largement l’ennemi du bien et qu’une production surgonflée ne cache que trop souvent vacuité et absence d’intérêt. 


Megazone aurait pu être tout cela mais échappe aux pièges du narcissisme et de l’outrecuidance malgré son côté très clinquant et très mélange des genres en provenance directe des années 90 – les visuels de la pochette, signés par le batteur de Deathcrush, sont à l’avenant – le tout avec une décontraction festive très contemporaine, ou plutôt très actuelle. En gros tout ce que je n’aime pas, tout ce que je ne devrais pas aimer parce que je suis perclus de principes à la con (oui c’est douloureux) et comme en plus je n’aime pas danser et que Megazone est un disque particulièrement entrainant et très incitatif question remuage de popotin, je me demande encore pourquoi je suis en train d’écrire une chronique destinée à défendre ce disque.
L’explication est très simple. Le côté accrocheur vas-y comme je te pousse dans le noir de la backroom de Megazone flatte mes plus bas instincts et, si je n’y prenais pas garde, cet album pourrait bien à la longue devenir l’un de mes petits plaisirs inavouables, quelque part entre Too Fast For Love et Make It Big. Le plus important réside cependant tout ce qu’il y a derrière les apparences d’un disque chromé jusqu’à l’os : le chant pas si consensuel que cela de Linn Nystadnes, la guitare qui grésille sans jamais oublier de pétiller, la batterie très présente, massive et martelée tenue par un certain Vidar Evensen*** et, plus que tout, cette basse constamment mise en avant, énorme, presque bouffie, décapante et conquérante jouée par Pelle Bamle. Qu’importe si Deathcrush emprunte à la pop la plus sucrée ou au raparenbi bidouillé, qu’importe si la production de Megazone peut renvoyer directement à un grunge déficient réhaussé d’electro, qu’importe si le punk se transforme en loukoum psychédélique et que le résultat devienne irrémédiablement kitsch : bien au contraire, c’est tout ça que j’aime dans Megazone, ça et la faculté de Deathcrush à mettre le feu aux poudres et à installer un joyeux bordel, bien jouissif et décomplexé.

[Megazone est publié en vinyle blanc par Apollon records****]

* il serait extrêmement tentant de faire le rapprochement entre ce nom de Deathcrush et l’histoire musicale de la Norvège, patrie (ahem) du black metal, d’ailleurs le groupe ne se prive pas de faire quelques blagues à ce sujet alors que sa musique n’a strictement rien à voir avec celle de la bande à Euronymous and C°
** en gros : Deathcrush est principalement son projet à elle        
*** détail intéressant, Vidar Evensen est le premier batteur d’Arabrot, on peut notamment l’entendre sur le double LP Revenge, peut-être le meilleur album du groupe et témoignage d’une époque désormais lointaine où celui-ci pouvait réellement faire peur
**** lequel label publie en ce début 2020 une compilation regroupant les premiers singles de Deathcrush, youpi