Nous y revoilà une
nouvelle fois avec cette question essentielle voire existentielle que se pose
tout chroniqueur de disques – ou toute personne ayant la prétention de vouloir
chroniquer des disques : peut-on écrire quelque chose sur un groupe ou un musicien
que l’on connait personnellement, ne serait-ce qu’un tout petit peu ? Si
on déteste la personne et que l’on est un parfait connard la réponse est
oui ; si on a des espaces publicitaires à vendre sur internet et que le
musicien/groupe en question est bankable la réponse est également positive ; si
on ne sait pas quoi faire de sa vie ça marche aussi, puisqu’il est beaucoup
plus facile de parler des autres et de ce qu’ils font (ou devraient faire) que
de se prendre en main soi-même.
Dans le cas du lyonnais SEB RADIX la question est épineuse (et la réponse est logiquement hasardeuse).
Le type est parait-il des plus sympathiques, serait un ouvrier très qualifié et
un bon père de famille, il est presque beau (son sourire carnassier a mis à mal plus d’un string et plus d’un slip kangourou) et il
semblerait même qu’il ait du talent. Par contre il n’est pas potentiellement
générateur de thunes et, surtout, je le croise en moyenne une fois toutes les
deux semaines, dans un bar, à un concert et parfois même par hasard dans la rue
– mais je le croise surtout dans les bars. Je suis donc coincé.
The Darbi Sex EP est un maxi 45 tours de quatre titres. C’est aussi
le premier disque que publie Seb Radix depuis 2017 et
l’album Pop Apocalyptique. Pour toutes celles et tous ceux qui
attendaient impatiemment des nouvelles fraiches du bonhomme ceci constitue donc
la première déception de The Darbi Sex EP : on est en effet
très loin d’un véritable album, riche et varié. Deuxième déception : le
disque se divise en deux parties permettant au musicien/chanteur de nous faire
le coup hyper classique du disque conceptuel et bicéphale avec en face A le
côté punk et bad guy de Seb
Radix et en face B son côté social, politique et gauchiste. Débutant la première
face, Lorna Doom est un vibrant hommage à la bassiste des
Germs, décédée en janvier 2019. OK, admettons. Deuxième composition de la face
A, This Is Good Music proclame « this is good music,
but these guys are pricks »… j’aurais presque pu rire face à une
telle manifestation de mauvaise foi.
La face B est la pire des deux. Tout d’abord elle est chantée en français –
alors que la première l’est en anglais – ce qui permet de comprendre les
paroles. Celles de Renaud, Didier & Joe font référence à
des chanteurs soit alcooliques, soit prolétaires ou un peu morts (et
éventuellement social-traitres) sur un mode nostalgique. Quant à Presqu’île
Déserte voilà une composition avec un texte en mode contestataire
remettant en cause les bienfaits de la gentrification, de la spéculation
immobilière, de l’économie de marché et de la politique menée à Lyon depuis
2001 par l’équipe municipale de Gérard Collomb.
Tout n’est cependant pas si terrifiant sur The Darbi Sex EP. Il y a
d’abord cette pochette très réussie et qui constitue un coup marketing de
premier plan parce que chacun sait qu’un disque bien illustré et bien
emballé est un objet de désir profondément consumériste. Mais le point le plus
positif reste le suivant : pour l’enregistrement de ce disque Seb
Radix s’est entouré de deux musiciens de première classe. Pauline
Kcidy s’occupe des claviers tandis qu’Oli (de Death To Pigs, Malaïse et Zone
Infinie) joue les parties de batterie. Autant dire qu’avec la première le
pouvoir mélodique est à son comble tandis qu’avec le second l’interprétation
file tout doit comme dans une chanson de Francis Cabrel. Mais ce n’est pas
tout, Pauline et Oli ont très largement participé aux arrangements de
compositions.
Finalement je crois qu’il m’aurait été beaucoup plus facile d’attendre de
recroiser Seb Radix dans un bar, de lui sourire élégamment et
de le féliciter pour son nouveau disque avant de lui taxer une clope. Mais j’ai
arrêté de fumer depuis plus de trois ans maintenant et je ne sais plus comment
me calmer les nerfs. Sans rancune, hein.
[The Darbi Sex EP est publié par l’Assos’Y’Song, Bad Health records, Ligature records et Musique
Rasoire]