vendredi 6 décembre 2019

Faking / No Confort




Il y a un autocollant apposé sur la pochette de ce disque et qui clame des trucs du genre : « Philly Noise Rock » mais aussi « for fans of The Jesus Lizard, Shellac, Unsane ». Concernant la première affirmation, tu connais forcément pour amour immodéré (ahem) pour les déclarations débordant de fierté locale et le fait que FAKING soit ainsi originaire de Philadelphie ne m’impressionne pas plus que ça mais semble malgré tout signifier que dans cette grande ville de Pennsylvanie il y a beaucoup de groupes qui jouent du noise-rock pour principalement deux raisons : la première est que l’on doit s’y faire carrément chier toute l’année, que les hivers sont un peu longs et un peu trop rudes, surtout pour des petits blancs sous middle class et autres laissés pour compte d’une Amérique providentielle égarée par la démagogie d’un président milliardaire et aliéné ; la seconde est qu’il doit bien y avoir quelques bars assez cools dans le coin pour accueillir ce genre de musique sans que personne et surtout pas les voisins ne trouvent quelque chose à y redire.

A propos de l’autre affirmation, celle concernant les filiations musicales, je serais encore plus dubitatif et côté références il faut tout de suite oublier le name dropping du début. Je ne trouve que peu voire même pas du tout de traces de Jesus Lizard, de Shellac et encore moins d’Unsane dans la musique de Faking. Mais s’il y a un groupe auquel le trio de Philadelphie me fait souvent penser c’est bien Young Widows, mais le Young Widows des débuts, quelque part entre les deux premiers albums du groupe d’Evan Patterson. Je reconnais qu’il s’agit là d’un sacré compliment mais la référence n’en est pas pour autant plus lourde à porter que celles induites par des noms imprimés sur un sticker et destinés à attirer l’amateur et le chaland. Et puis écoute moi un peu ces plans de guitares aux mélodies répétitives sur fond de rythmiques anxiogènes, tu m’en diras des nouvelles : Faking est très loin de faire partie de la cohorte des groupes boute-en-train, tropicalistes, mathématiques et poseurs et en cela on peut quand même affirmer que le trio est aussi conservateur et aussi réactionnaire qu’un Jesus Lizard ou qu’un Shellac (OK : cet autocollant bien qu’un peu déplacé n’est donc pas totalement mensonger).

Donc : Faking sonne effectivement comme un groupe de noise rock. Qui plus est Faking est un trio avec un guitariste/chanteur (Jeff Bowne), un batteur (Phil Schorn) et un bassiste (Matt Garfield) qui parfois joue également d’une pointe de… ah non excusez moi : en fait il n’y a pas d’instrument à quatre cordes dans la formation du groupe mais un type (toujours le susnommé Matt Garfield) qui assure les lignes de basse à l’aide d’un synthétiseur, et oui. Une bizarrerie mais on s’y croirait vraiment et c’est uniquement en regardant des vidéos du groupe en concert que je me suis aperçu de cette particularité un peu étrange*. A l’écoute et même en gardant les yeux ouverts Faking tient malgré tout du trio classique de noise qui respecterait à la lettre la sainte trinité guitare/basse/batterie. Avec No Confort et ses six compositions seulement – il s’agit donc un mini album – la musique de Faking a évolué vers un noise rock plus lent et plus épais, vers une musique assombrie voire fuligineuse et le niveau qualitatif a considérablement augmenté depuis le premier LP, un Goddamn Cowards (2016) de facture beaucoup plus classique et aux compositions plus basiques et donc sans réelles surprises. De telles avancées et l’affirmation de toujours plus de personnalité permettent logiquement d’espérer le meilleur pour un prochain (?) et véritable nouvel album. A Suivre.

[No Confort tourne en 45 tours, est pressé en vinyle blanc et est publié par Slugthrower records dont c’est la toute  première publication – mes vieux souvenirs de cours d’anglais me poussent à traduire « slugthrower » par « lanceur de limace » ce qui me fait beaucoup rire mais j’y verrais bien également comme une expression argotique locale]

* auparavant Faking jouait avec un vrai bassiste du nom de Mark Diehl, on peut l’entendre sur les premiers enregistrements du groupe