vendredi 4 octobre 2019

Grizzlor / Coolness Factor 6


GRIZZLOR me semble être l’un des groupes à la fois parmi les plus débiles* et parmi les plus ironiques de moment, sorte de pendant noise rock obsédé par les Melvins et sous amphétamines d’un Oozing Wound avec lequel le trio de New Haven / Connecticut partage plus d’un point commun, à commencer par un sens aigu du cynisme. Et ce n’est pas son nouveau disque, un EP de quatre titres intitulé Coolness Factor 6 qui me contredira : Grizzlor y est plus mordant et plus saignant que jamais.
Il convient déjà de s’arrêter quelques instants sur cette magnifique illustration de pochette qui reprend l’un des thèmes favoris des artworks du groupe, la science fiction déglinguée de série Z. Signée God-Awful on y découvre des astronautes atomisés par je ne sais quel rayon de la mort tandis que leur vaisseau spatial est attaqué par une bande d’aliens mi-poulpoïdes mi-calamars géants. C’est du grand art. Et puisque la pochette du disque se déplie la grosse rigolade graphique continue à l’intérieur mais en version noir et blanc ; ce qui permet au passage de se pencher également sur les paroles de The Take Off, Warp Speed, Extraterrestrial Space Fight et Space Nuke qui se suivent et racontent l’histoire d’une mission spatiale qui atterrit sur la planète Coolness Factor 6 avant d’affronter des aliens sanguinaires, évidemment tout ceci se termine en boucherie thermonucléaire. Coolness Factor 6 est donc un disque concept et plutôt récréatif voire complètement crétin, qui s’éloigne de la noirceur grinçante et désabusée des disques précédents de Grizzlor tout en conservant un certain nihilisme. 




Il y avait jusqu’ici deux constantes dans la musique du trio. La première : jouer des morceaux courts voire ultras courts et ce quel que soit le tempo emprunté. La seconde : alterner entre des compositions très lentes et très massives qui lorgnent (donc) du côté des Melvins et des compositions ultra speed et débilos – les premières restant cependant largement majoritaires. Bon, OK, il y a une troisième constante : le chant nasillard et énervant noyé sous une réverb dégueulasse. Quoi qu’il en soit Grizzlor n’a jamais su choisir entre la rapidité et la lenteur et cela lui a plutôt bien réussi même si le groupe me parait moins à l’aise sur la longueur d’un album entier – Grizzlor n’en a pour l’instant publié qu’un seul en 2017 : Destructoid – que sur single ou sur EP.
Avec Coolness Factor 6 Grizzlor reste toujours dans le domaine de la brièveté mais opte systématiquement pour la grosse cavalcade spatio-temporelle. Les quatre titres du 7’ rivalisent de rapidité et de fulgurance avec c’est vrai quelques petites nuances : The Take Off et Warp Speed possèdent un petit côté surf (écoutez la guitare lorsqu’elle part en solo) tandis que Extraterrestrial Space Fight lorgne vraiment du côté d’Oozing Wound, mais en plus noise hardcore (Space Nuke suit le même chemin tout en reprenant le côté surf sur sa fin). Grizzlor se révèle sans pitié et sanguinaire et confirme en même temps qu
’un 7’ est ce qui convient le mieux au groupe pour déverser son chaos grand-guignolesque dans nos petites oreilles avides de sensations fortes. Conclusion : rire et se faire mal en même temps, c’est tout à fait possible.

[Coolness Factor 6 tourne en 45 tours et est publié en vinyle noir et orange par Learning Curve records et Hermit Cave records qui est le propre label de Grizzlor]

* le nom du groupe semble emprunté à un personnage de la série Masters Of The Universe / Les Maitres de l’Univers qui parait-il faisait fureur dans les années 80 et 90 mais je n’en sais absolument rien, j’étais déjà trop vieux