mercredi 17 juillet 2019

The Horsebites / Shadows


Bon alors au départ j’ai un peu boudé THE HORSEBITES, n’y voyant qu’un énième groupe issu du microcosme garage-punk-indé lyonnais option bars des pentes de la Croix Rousse, petites vestes en jean serrées, rocking boots, Vans et Converse, tatouages raffinés, marinières savamment négligées, etc. Historiquement c’est à peu près de cela dont il s’agit puisque les cinq membres de The Horsebites ont dans un passé plus ou moins récent joué dans – attention name-dropping – les Buttshakers, The Missing Souls, Yeah Baby Yeah, Cavemen 5 mais également dans The Lost Boys (fabuleux groupe de hardcore de première catégorie) et Le Parti (un groupe très post punk de Saint Étienne avec un seul long playing à son actif mais un disque ô combien toujours recommandable).
Citer tous ces noms qui ne diront strictement rien aux New-Yorkais, aux Montpelliérains ou aux Londoniens mais qui évoqueront forcément quelques bons souvenirs aux adeptes des caves lyonnaises parfumées à la bière et au salpêtre possède toutefois un intérêt certain : cela permet de situer grosso-modo The Horsebites sur la carte musicale locale, celle où tout un petit monde se reconnait (au moins de vue) et dont les azimuts convergent vers une seule et unique zone, celle d’un punk racé et distingué, un brin garage mais toujours rutilant, pop sans être gnangnan, nerveux sans être outrageusement corrosif, gorgé de guitares qui flirtent savamment avec l’électricité et doté d’un chant de crooner nasillard et nonchalant à faire craquer les élastiques des petites culottes comme des boxer-shorts.






C’est un fait qu’il n’y a que des vétérans purs et durs pour pouvoir jouer une telle musique et pour le faire aussi bien. Et quand je dis « bien » on pourrait en fait décerner un premier prix d’excellence à Shadows, premier album de The Horsebites, tellement le groupe possède tout ce qu’il faut là où il faut, maitrisant parfaitement son sujet, ne dérapant jamais et ne s’enfonçant pas dans les ornières du mauvais goût, de l’imitation caricaturale et de l’hommage à profusion. Non, le groupe fait même plutôt preuve d’une certaine retenue et d’une docte sagesse, pour ne pas dire d’une honorable humilité – ce qui pour un groupe lyonnais est relativement étonnant – et il n’y a qu’à voir les sourires simples, vaguement rêveurs et spontanés – comme celui du fan des Misfits sur la pochette très bucolique du disque – que ces cinq garçons dans le vent arborent généralement pour se persuader que, oui, The Horsebites est réellement un groupe pour le plaisir.
Malgré un ancrage profondément historique et malgré une volonté certaine d’honorer la jeunesse éternelle du rock’n’roll la musique de The Horsebites n’a pas grand chose d’acnéique. En tous les cas elle n’a pas cette verdeur primesautière et bourgeonnante ni cette hargne trop bagarreuse qui tabasse. Ça transpire à la cool mais donc pas de trop. Ça braille mais raisonnablement. Ça déchire mais ça ne froisse pas. Aucun faux pli à déplorer et l’énergie communicative qui se dégage de Shadows ne peut s’expliquer que par une science maitrisée de la composition et une mise en place exemplaire : les guitares tapissent les murs de riffs entrainants et de quelques solos jamais chiatiques sur un fond rythmique impeccable (oui Lester est un sacré bon batteur, tout en souplesse groovy) avec des lignes de basse rondes et coulantes qui donnent tout de suite envie de suivre le groupe là où il veut nous emmener.
Il s’agit donc d’élégance pure et simple : nombre de compositions de Shadows transpirent la grande classe – rien que ce titre d’ouverture… – et tout le disque est quasiment du même acabit, même si on peut noter une tentative réussie de dérapage noisy sur le dernier titre You Wanna Teach Me mais hop, un bon coup de frein à main, un tête-à-queue dans la poussière et tout ça repart illico dans le bon sens de l’asphalte. Et puis honnêtement, moi aussi j’ai quelques tatouages, moi aussi j’aime porter des petites vestes en jean (par contre ne comptez absolument pas sur moi pour mettre une marinière), à moi aussi il m’arrive d’aller boire des coups dans les bars interlopes de la Croix Rousse et il m’arrive même parfois de descendre dans une cave moisie pour assister à un concert. Mais l’essentiel reste la noblesse légère, féline et sincère de la musique de The Horsebites. Maintenant tout le monde peut aller se rouler dans l’herbe en fermant les yeux.

[Shadows est publié en vinyle par Dangerhouse Skylab et Future Folklore records]