Je n’avais absolument pas l’intention de
reparler de Videoiid ici, en tous
les cas vraiment pas de sitôt. Mais apparemment les temps sont difficiles, cette
rentrée 2018 donne carrément envie de pleurer (ou de vomir, voire les deux) et
les attachés de presse des labels sont toujours aussi intraitables en affaires.
C’est uniquement pour échapper à l’insistance redoutable de celui de Gaffer
records que j’ai consenti à jeter une oreille sur l’intégralité du premier EP
sans titre de VIDEOIID,
tout jeune trio formé du côté de Göteburg en Suède : deux guitares, une
batterie et des voix braillées.
Et bien m’en a pris, parce que parler
d’un enregistrement – ou même simplement annoncer sa parution – en se basant
sur l’écoute d’uniquement deux titres c’est mal, c’est vivre avec son temps
c’est à dire dans la furie d’internet, le déluge d’informations prémâchées et
cependant indigestes, les cascades de jugements péremptoires risquant au mieux
l’inexactitude et au pire l’injustice et la médisance, les épanchements
nombrilistes, l’arrogance sentencieuse, l’avènement de la démocrature et
l’apologie du libéralisme économique dominateur (comment ça, ça n’a rien à
voir ?). Mais c’est pourtant ce que j’ai fait.
Donc je recommence. Et je
persiste : la musique de Videoiid
est d’une verdeur incontestable. Pas que les compositions du trio sonnent pas
finies et simplistes, non, parce que cette verdeur là est celle d’un bon
foodfight à la purée mousseline moisie, elle pègue comme du jus de chaussettes
trouées, du glaviot gluant, du pus de bouton acnéique, du rot gazeux et du
résidu d’éjaculation précoce. Sans trop se poser de questions les trois Videoiid revisitent l’urgence no-wave
et tout le tralala du barouf arty-noise pour nous pondre une poignée de brûlots
naïvement culottés et trépidants, bordéliques et drôles, le tout avec un beau
sourire et une joie non feinte.
Cela n’a rien de festif, non, c’est
juste du vacarme assumé (donc : qui se tient malgré tout) joué sans
équivoque et qui défouraille. Sachant que le groupe possède également quelques
talents pour ne pas se contenter de lâcher que des pets foireux et pour nous trousser
du quasi-mélodieux (IWFNANWC) et du
fédérateur (Sunn 636). C’est même
lorsque Videoiid lève le pied et
traverse les territoires d’un indie rock cabossé que le groupe devient
totalement convaincant. Et puis, au bout des cinq premiers titres, il y a une
belle surprise sous la forme d’une reprise de Suicide : enfin un groupe
qui ne pioche pas uniquement dans le répertoire du premier LP d’Alan Vega et de
Martin Rev puisque Videoiid
s’attaque à Why Be Blue ?
(de l’album du même nom, paru en 1992) qui colle parfaitement avec l’esprit de
jouvence du trio. Pour finir je rajoute que l’artwork de cet EP est signé Ben Sanair,
argument supplémentaire et imparable.
[ce premier EP de Videoiid sera en vente libre dès le 5 septembre et est publié en
cassette – bienvenue en 2018 – par Et Mon Cul C'est Du Tofu ? et Gaffer records ;
la version numérique est disponible via Atypeek Music]