mercredi 18 juillet 2018

J.C. Satàn / Centaur Desire








Par pur acquis de conscience – parce que oui, je fais partie de cette sale race qui est celle des puristes et en plus je suis suffisamment imbu de moi-même pour prétendre avoir une conscience et la placer du bon côté – j’ai fouiné une nouvelle fois dans mes archives. Et au cours de cette petite séance de spéléologie domestique j’ai exhumé les traces fossilisées de pas moins de trois albums et de deux 7’ de J.C. Satàn… Autant dire que les bras m’en sont tombés, comme on dit familièrement… Trois albums !  Deux singles ! Pour un groupe que j’ai longtemps prétendu ne pas vraiment apprécier voire même détester parfois, ça fait quand même beaucoup. À croire qu’en fait je suis plutôt un amateur contrarié de J.C. Satàn et que mes deux meilleures amies la misanthropie (ma mère me disait tout le temps que ça fait partie de mon charme) et la mauvaise foi m’ont fait penser des horreurs au sujet d’un groupe qui n’en méritait peut-être pas tant que ça. Peut-être ? 
Oui : J.C. Satàn a beau être un groupe originaire de Bordeaux (mais pas que), ce qui entre nous n’est pas pire que d’être montpelliérain ou lyonnais, il mérite malgré tout une demi-seconde d’honnêteté. Et une chronique. Les temps changent et les modes aussi alors ne parlons même pas des gens. Par exemple jamais je n’aurais cru possible qu’en 2018 Asia Argento deviendrait fanatique – et chanteuse guest – d’Indochine ni que mon pote le crust à patchs irait boire des bières dans un bar du centre-ville sous prétexte de regarder la finale de la coupe du monde de foot sur un écran plat et qu’il finirait tout nu sur les tables avec un drapeau tricolore sur ses fesses tatouées – OK, je viens de changer de sujet… Et pendant ce temps là J.C. SATÀN a quand même publié son cinquième album.

Centaur Desire est un album plus produit que les précédents ; le son y est moins sale, plus lisible, plus carré sur les bords et plus rond dans les angles et le groupe a gagné en onctuosité ce qu’il a apparemment perdu en rudesse. Toutes proportions gardées, bien sûr : J.C. Satàn n’est pas devenu un arpenteur multivitaminé sport et jus de fruits de la bande FM – oui, ceci est bien une référence à la technologie florissante des années 80 – et derrière le glacis un peu plus lubrifié et goût vanille de ce Centaur Desire rien ne semble au fond avoir réellement changé (mis à part le départ de la bassiste et la batterie qui dorénavant est jouée pour de vrai, sans avoir recours à des machines, ce qui apporte un vrai plus au son général du groupe).
Disons que le côté abrupt de la musique de J.C. Satàn cède avantageusement la place à un surplus d’efficacité. Ce qui n’est absolument pas un gros mot lorsqu’on écoute des titres tels que I Won’t Come Back et Centaur Desire qui ouvrent la première face du disque – et quelle belle entrée en matière ! Une efficacité d’autant plus renversante au fur et à mesure de l’écoute l’album, lorsqu’on s’aperçoit qu’elle n’affecte pas et renforce plutôt le côté tordu, noir et même vitriolé mais aussi le côté pysché-banana de J.C. Satàn : la guitare crache autant sa fuzz dégueulasse sur fond de riffs accrocheurs ou de solos tourneboulés et le chant – masculin mais surtout féminin – distille son poison vénéneux et charmeur avec toute le panache nécessaire.
On entend désormais ce à quoi on avait jusqu’ici jamais réellement porté attention dans la musique de J.C. Satàn, du moins pas à ce point là. Une sensualité pas loin d’être exquise si elle ne portait pas aussi toute cette gravité et un petit supplément de groove entrainant qui supplante la nonchalance et la légèreté d’avant. Oui, bon, OK, je l’admets, J.C. Satàn n’a jamais vraiment été un groupe léger non plus mais plutôt un groupe d’apparence insouciante – tout comme le comique dépressif préfère faire rire les autres aux éclats plutôt que de s’avouer vaincu par ses propres démons. Regardez bien la bouille hilare du centaure qui orne la pochette de l’album (on dirait une sculpture, non ?) : on ne sait pas si notre ami à quatre pattes est définitivement complètement défoncé à la fuzz psychédélique ou s’il ricane parce qu’il nous a pris dans ses filets et qu’il va nous dévorer tout crus tout nus dans pas longtemps. Sûrement un peu des deux.

[Centaur Desire est publié en vinyle et CD par Born Bad records]