jeudi 7 juin 2018

The Body / I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer


Mouhaha hahaha haha ! J’ai écouté – plusieurs fois quand même – le nouvel album de The Body : mais que de chemin parcouru dites-moi ! Sans déconner... Attendu comme le messie, I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer est donc la dernière livraison de ce très prolifique duo de metal expérimental* basé à Portland, Oregon. Deux américains qui depuis leurs premiers enregistrements en 2004** ont régulièrement défrayé la chronique, et ce souvent à juste titre. Et ils devraient continuer à le faire avec ce I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer qui divisera ce pauvre monde survivaliste en trois catégories distinctes : celles et ceux qui s’en fouteront complètement (largement majoritaires et je crois qu’ils auront raison) ; celles et ceux qui adoreront et salueront l’intrépidité inventive d’un groupe définitivement pas comme les autres ; et, pour finir, celles et ceux qui détesteront tellement cet étron musical incomparable qu’ils n’auront d’autre solution que d’en rire un bon coup avant de passer rapidement à autre chose – c’est vrai quoi, on trouve tellement de chouettes groupes et de disques réussis de par le monde alors pourquoi s’emmerder et perdre son temps avec celui-ci ? 





Donc je disais : The Body n’est pas un  groupe comme les autres. Ou plus exactement c’est Thrill Jockey, le label régulier de The Body depuis quelques années déjà, qui affirme fièrement dans la bio officielle du groupe absolutely no one makes music like The Body. Rien que ça… Je ne vais pas oser contredire totalement ce prestigieux label de Chicago, capable de produire le meilleur comme le pire***, et plutôt nuancer une telle assertion, en deux temps. Parce queffectivement personne ne se hasarde à faire de la musique telle que celle de The Body et c’est tant mieux, si jose dire. Premièrement il est vrai qu’il ne nous est pas tous les jours donné de pouvoir écouter un disque de métallurgistes déviants aussi boursouflé que prétentieux. Deuxièmement I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer n’est pas vraiment un disque mais l’agglomération numérique de beaucoup trop de choses guère appétissantes voire totalement inintéressantes : un mélange metal digital + indus de pacotille + grandiloquence et théâtralité suffisantes + luisance informatique + radicalité en plastique –  et donc on peut en déduire que I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer n’est pas du tout de la musique vivante mais un artefact musical et conséquemment que The Body n’est désormais plus un vrai groupe mais une entité stérile et complètement détachée de l’humain (et si c’est fait exprès alors au moins ça c’est réussi).

Je ne remets absolument pas en cause le choix de The Body qui travaille désormais davantage sur des machines que sur ses instruments d’origine (guitare, batterie et voix). La bidouille et la bricole au contraire ça me connait. Mais il n’y a réellement ici ni bidouille ni bricole. Que de la musique hachée puis recomposée, extrudée et finalement clusterisée****. Donc aucun mystère, aucune poésie – ça, on s’en serait douté, cela n’a de toute façon jamais été le crédo de The Body –, aucune profondeur, aucune imagination et aucune âme. I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer est un disque totalement désincarné, creux et vain, patchwork stéréotypé et ridicule d’electro-indus et de noise tribal. On y retrouve pêle-mêle un peu de Nitzer Ebb, beaucoup de In Slaughter Natives période Sacrosancts Bleed, des sonorités electro que même les plus mauvais groupes d’Hymen records ou d’Ad Noiseam n’ont jamais osé utiliser, de la saturation tellement propre sur elle que l’on peut se voir dedans, du piano larmoyant, du chant féminin***** qui ferait presque regretter que Jarboe ne chante plus dans les Swans… quel mélange écœurant et indigeste******. Honnêtement les gars, cela me ferait réellement plaisir que vous vous décidiez à lâcher vos consoles de jeu cinq minutes pour reconsidérer un peu plus sereinement vos envies et votre avenir. Bisous.

* expérimetal ?
** mais si j’en crois ce très recommandable Collected Works, version rallongé d’un Anthology paru en 2011, les premiers témoignages de The Body dateraient plutôt de 2003
*** le meilleur  et le pire… devinez quoi ?
**** de cluster, l’unité de stockage de fichier informatique, aucun rapport donc avec le génial groupe allemand Cluster 
***** certes il y a depuis longtemps du chant féminin dans la musique de The Body mais cette fois-ci celui-ci peine franchement à se débarrasser de toute niaiserie, phénomène déjà beaucoup trop encombrant sur No One Deserves Happiness, précédent album du duo
****** on dirait même un film de Christopher Nolan, tiens