vendredi 4 mai 2018

Raymonde Howard / S.W.E.A.T.






Il ne sera jamais trop tard pour parler de cet album publié en juin 2017. Même si les lectrices et les lecteurs des gros mastodontes de la presse musicale auront sûrement déjà entendu causer de Raymonde Howard et de son album S.W.E.A.T. depuis longtemps, tout comme celles et ceux qui parcourent sites et blogs musicaux à longueur de journées ennuyeuses ou d’insomnies nocturnes. Il n’empêche que plus de dix mois après sa parution, ce disque très court – onze chansons peut-être mais le vinyle n’est gravé d’un sillon que sur une seule face – me fait toujours autant d’effet. Et maintenant que la frénésie due à l’attrait de la nouveauté est retombée, que tout le monde est passé à autre chose (mais quoi ?), que les disques se sont empilés sous une couche de poussière persistante, que les mp3 accumulés pendant 2017 pourrissent au fond du disque dur d’un ordinateur en surchauffe, je me sens plus incapable que jamais de parler d’un album à la fraicheur particulièrement libre et indocile. 

Les contraintes que s’impose Laetitia (le véritable nom de la personne qui chante, joue et compose sous celui de Raymonde Howard) constituent également sa liberté : une voix mais aussi des voix – à l’aide d’un looper –, une guitare, souvent des guitares – toujours le looper – et une boite-à-rythmes squelettique. Raymonde est toute seule et elle a besoin de personne ; on peut très bien l’imaginer composer dans son coin, souriant parfois d’une belle trouvaille, se disant que le jeu de mot qu’elle vient tout juste d’inventer pour sa nouvelle chanson risque d’en faire rire plus d’une et plus d’un (comment en effet résister à Penekini Kill, Ebony Submarine, Terrortits ou à Punktuality ?) mais oui, le plus important c’est qu’elle fait tout ça toute seule et qu’elle ne lâche que ce qu’elle veut bien lâcher. C’est-à-dire pas beaucoup en apparence mais en fait énormément. 

Son précédent disque s’intitulait Le Lit. Il s’agissait de la bande originale d’un court métrage de Raphaëlle Bruyas. Toutes proportions gardées Le Lit est de loin ce que Raymonde Howard a enregistré de plus sophistiqué – ahem – avec la présence d’un batteur et de musiciens additionnels, notamment une section de cordes. S.W.E.A.T. revient à plus de minimalisme avec seulement un tout petit peu de violoncelle sur deux titres. Et toujours ce jeu de voix, de guitares rachitiques et de boucles. Enfant du rock indé et des années 90 – une époque ou l’indie signifiait réellement quelque chose pour de vrai –, Raymonde Howard a tout de la magicienne éclairée. Mais j’ai un peu peur de la froisser en utilisant des termes aussi connotés et donc réducteurs qui résument assez mal la capacité qu’elle a à faire osciller et imposer son chant entre retenue et ferveur et celle qu’elle a de manipuler ses guitares avec un naturel à la fois aérien et ascétique.

Et puis il y a les textes. Les avoir faits imprimer sur la pochette intérieure de S.W.E.A.T. ne relève pas de l’anecdote, c’est même tout le contraire. Mis à part le très sexuel et facétieux Punktuality écrit en français, toutes les paroles des chansons sont en anglais, la seule et unique langue du rock et de la pop, et sont à la fois affirmatives et intimes. Avoir peur de rien ni de personne, sauf de ne plus se poser de questions et de se taire. J’écouterai encore ce disque intelligent et sensible dans un an.

[S.W.E.A.T. a été publié en 12’ monoface par Specific et en CD par We Are Unique !]